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« No parking, no business » : l’offre de stationnement est-elle synonyme de bonne santé du commerce ?
Dans cet article, nous allons nous intéresser à l’impact du stationnement automobile sur la santé du commerce. Nous n’allons pas apporter une réponse tranchée pour savoir si oui ou non il faut des stationnements pour que le commerce se porte bien, mais plutôt fournir des éléments de réflexion en s’appuyant sur des faits et des études.
En outre, deux grandes tendances ont déclenché la rédaction de cet article :
- Le déclin progressif des grandes surfaces en périphérie des ville
- Le centre-ville, déclaré grande cause nationale 2018
D’un côté, l’hypermarché, symbole de la consommation et de la « bagnole » ; et de l’autre, le centre-ville, avec ses images de zones piétonnes et rues commerçantes.
Pour le commerce, l’accessibilité est un facteur clé. Si la clientèle ne peut pas accéder facilement au local, elle ne viendra pas. Tous les paramètres favorables à la mobilité sont donc à prendre en compte lorsqu’on cherche à démarrer une activité et ouvrir un nouveau local.
La voiture, moyen de transport principal pour faire les achat
A l’heure actuelle, la voiture est le moyen de transport le plus utilisé pour faire des achats, comme le montre par exemple la récente enquête déplacements en Loire Atlantique : 67% des personnes se déplaçant pour faire des achats le font avec une voiture.
Cependant, l’AGAM (Agence d’urbanisme de l’Agglomération de Marseille), avait constaté sur son territoire, en 2012, que la part modale de la voiture pour les achats dans les petits et moyens commerces était inférieure à celle des modes doux (le vélo et la marche atteignant 55% de part modale). En revanche, cela ne se vérifie pas pour les achats en hypermarchés, où la part de la voiture est bien supérieure à celle de tous les autres modes.
🅿️ Stationnement et centre-ville
En centre-ville, la tendance est à « l’apaisement » : laisser plus de place aux piétons, vélos et transports en commun, et réduire celle qu’occupe la voiture. Ainsi, le nombre de places de stationnement diminue progressivement.
La consommation d'espace
La voiture est très consommatrice d’espace. Une voiture mobilise en général 2 à 3 places de stationnement, comme le rappelle le Commissariat à la Stratégie et à la Prospective dans un rapport sur les politiques de stationnement (2003). En effet, une place est nécessaire au domicile, mais également sur le lieu de travail. Ces places ne servent le plus souvent qu’à un seul véhicule dans la journée. D’autres places sont nécessaires ailleurs, mais sont partagées (centre-commercial, lieux de loisirs…). A cela, il faut ajouter l’espace consommé par les infrastructures pour se déplacer (routes, voies rapides, bretelles…).
Piétonisation et développement des transports en commun
« Aujourd’hui, les habitants ont un besoin de déambulation, d’espaces publics sécurisés et agrémentés » estime Sébastien Bourdin, enseignant-chercheur en géographie-économie, dans un article de The Conversation.
Les politiques d’apaisement ne sont en général pas du goût des commerçants. Pour exemple, les commentaires laissés sur ce post Facebook de l’association des usagers du vélo à Rennes, Rayons d’Action, annonçant la future fermeture à la circulation motorisée d’une artère du centre-ville. L’information, fausse, visait à faire réagir.
Voir la publication sur Facebook
Voici une sélection de commentaires illustrant notre propos :
Réduire l’offre de stationnement empêcherait les consommateurs venant en voiture de se garer facilement, à proximité immédiate d’un commerce. Ils les déserteraient alors, se repliant vers des zones offrant plus de places de parking, notamment les centres-commerciaux.
Mais faire croître l’offre stationnement, c’est augmenter le risque d’apparition de voitures « ventouses ». C’est pour cette raison que les municipalités se tournent vers des solutions comme le stationnement payant (avec ou sans minutes gratuites) et les zones bleues, qui sont notamment là pour favoriser la rotation des véhicules. Cependant, malgré cela, le stationnement payant peut se révéler être une barrière psychologique importante pour une partie de la population, qui se montrera réticente à faire ses achats dans les centres-villes.
Un manque de données
Il est toutefois difficile de dire si la réduction de l’offre de stationnement a un impact sur la santé des commerces. « Le manque de données disponibles, notamment sur l’offre de stationnement en centre-ville, [ne permet pas] une analyse objective de l’influence sur la vitalité du commerce de centre-ville des éléments d’accessibilité » indique le rapport sur la revitalisation commerciale des centres-villes, du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable et de l’Inspection Générale des Finances (2016).
🚶 Et si le meilleur atout pour le commerce de proximité était les piétons et les cyclistes ?
Comme le dit Benjamin Taveau, consultant en économie et urbanisme, sur son blog, « pour beaucoup d’aménageurs, d’élus, de riverains et de commerçants, la marche à pied et le vélo restent des modes de déplacements ‘anti-économique' ».
Cependant, Frédéric Héran, chercheur en économie des transports montre que le vélo est « sans aucun doute le mode le plus efficace pour faire ses courses en ville » (PDF). Et il est également plus rentable que la voiture pour les commerçants. En effet, une enquête réalisée auprès de consommateurs cyclistes et automobilistes du centre-ville de Breda (Pays-Bas), montre deux choses importantes :
- A chaque visite, l’automobiliste dépense plus que le cycliste
- Mais par semaine, le cycliste dépense plus que l’automobiliste, et il est plus fidèle
A Rennes, la piétonisation du Mail François Mitterrand est un très bon exemple également. Rendu aux piétons alors qu’il n’était qu’un vaste parking, cet espace accueille désormais de nombreuses animations. Il a ainsi favorisé l’apparition de nouveaux commerces et est devenu un lieu très apprécié des habitants. La question se pose désormais pour un autre parking du centre-ville, ce qui n’est (pour l’instant ?) pas du goût des commerçants.
📊 La solution n'est pas la même pour tous les territoires
Pour conclure, il est donc difficile de savoir si le stationnement, et plus globalement l’automobile, a une influence positive et directe sur la vitalité commerciale. Suite à une politique tournée vers les modes de transports alternatifs au véhicule individuel, certaines communes ont fait marche arrière pour un retour de la voiture dans les centre-villes et la volonté de dynamiser les commerces (c’est par exemple le cas de Saint-Étienne) ; tandis que d’autres, comme Strasbourg, ont renforcé leur vitalité commerciale avec leur politique en faveur des mobilités actives, comme le précise Jean-Baptiste Gernet, adjoint au Maire de Strasbourg : « certains commerçants, qui pouvaient être opposés au tramway il y a 20 ans, sont aujourd’hui contents de le voir en face de leur boutique et demandent même à ce que l’on piétonnise davantage autour ! »
Il n’existe donc pas de réponse générique à cette problématique. Elle doit être étudiée au cas par cas, en fonction du territoire, de sa structuration (urbain/péri-urbain/rural, Métropole, ville moyenne, etc.) comme du type de centralité à l’étude (centre ville, centre bourg, cœur de quartier, …).